Le bleu essayait de te rassurer, il te pensait toujours énervée de part ta façon agressive de parler. C’était vrai que cette affaire t’agaçait, mais le trouduc du 4e étage et ton supérieur ne l’emportaient pas sur une toute autre priorité : la bouffe. Pour toi, la bouffe passait avant que les embrouilles. Tu ne les oubliais pas, mais la nourriture savait plus ou moins te détendre. Tu préféras ne pas trop t’attarder sur ça, le laisser rester sur sa bonne intention plutôt que partir sur des explications inutiles, surtout qu’il n’avait pas tort sur le fait de laisser des trucs de côté pour profiter de la soirée. Tu avais rencontré un voisin et collègue sympa, c’était tout un exploit. Et, le must, c’est que tu étais bien partie pour t’entendre avec lui.

Quand il te demanda pour la glace, tu eus un moment de silence.
Tu comptais designer celles que tu voulais, mais il ne t’avait pas bien vu où elles étaient placées, puisque tu as tourné les yeux vers tes chiens à ce moment-là (ils s’étaient approchés et attendaient de voir si quelque chose de bon tombait) et… sans le couvercle, c’était encore pire pour les identifier – surtout que celle à la menthe n’était pas verte comme le disait l’affiche. Elle ne se discernait pas du reste : tout était gris, à quelques détails près d’un vert pâle – la seule couleur que tu discernais et encore.

— Erhm… soufflas-tu, te servant au hasard – un peu de menthe et un peu de mangue. En temps normal, tu aurais soit senti la glace, soit goûté pour savoir. T’inquiète, j’relativise, même si ça me gave de devoir payer des nouvelles lunettes à cause du sup’ concerné. Ce bâtard les a niquées l’autre jour avec ses conneries et il refuse toujours de me les rembourser. Manque de bol, je n’ai plus d’lentilles et j’dois attendre quelques jours. M’enfin, je t'raconterais pas ma vie et, comme tu dis, on va finir de grailler, se poser un peu, etc. Demain, par contre, faut que j’me dépense. Je pense que j’vais squatter les locaux du SWAT : ils ont des bons punching-balls et des dummies bien durs à cogner. Ils sont cool, on s’fait des combats amicaux, parfois. Rien à voir avec les tapettes qu’on s’coltine dans la plupart des aut’services.

Glaces en main, vous êtes allés les manger sur le canapé. C’était plutôt confortable et tes chiens sont venus s’affaler non loin de vous. Puisqu’il te laissa choisir la programmation, tu optas pour la rediffusion d’un match de boxe que tu avais loupé la veille. S’il y avait eu les MMA, un film d’action ou de sci-fi, tu aurais sûrement opté pour ça.

— J’l’ai pas dit toute à l’heure, mais, même si on ne se connaît pas, saches que je t’aime bien, Walker. Pourvu que tu dures longtemps dans la police, mais change pas trop, hein ? lanças-tu, te penchant un peu vers lui pour le bousculer amicalement avec ton épaule. Ne te laisses pas influencer par la ville et garde toujours plusieurs issues de secours. On risque souvent de te mettre au pied du mur et te mener vers des impasses si jamais tu mets le nez où tu n'dois pas ou que tu te frottes aux mauvaises personnes.

Tes glaces étaient bonnes et le match était pas trop mal, mais tu t'attendais à bien plus que ça. Chez-toi, tu aurais zappé les chaînes jusqu'à ce que tu aies trouvé un film d'action ou quelque chose du genre  ; même un d'animation aurait pu le faire, comme ceux de Shrek ou Moi moche et méchant - c'était sympa et il y avait plein de blagues salaces, y compris certaines que les gamins ne pouvaient pas comprendre.

En plus de baragouiner et pas te laisser mater la téloche, le bleu te força à le regarder pendant que tu manges. Forcément, parler boulot ne t'enchantait pas, non, alors qu'il était le premier à te vouloir que tu calmes ton agressivité.

Yeup, il semblerait que ton cadet se fasse des films. Et pas qu'un peu, vu qu'il venait de t'embrasser et qu'il semblait déjà parler de plus qu'un partenariat, de faire des sacrifices, se battre ensemble, etc. C'était un rapide, ce jeunot ! Tu n'as pas tout suivi et, franchement, heureusement qu'il était mignon, que c'était ton voisin et que tu étais sa responsable, sinon, tu l'aurais déjà tabassé. Tu allais parler, lorsqu'il sembla essayer de te faire des chatouilles.

Malheureusement, tu n'en avais pas à cause de ta condition analgésique - tu n'étais vraiment pas sensible, physiquement. Aucune et, pour résultat, tu n'aimais pas être touchée, ne serait-ce que pour ça. L'électricité statique que tu générais en était la preuve, même si tu ne tirais pas la tronche. Par contre, tu optas pour jouer le jeu, posant le bol vide par terre avant de lui rendre les chatouilles - brièvement, du moins.

— Écoute, j'serais franche : on vient d'se rencontrer et j'sais pas ce que t'éprouves pour moi, c'que tu penses éprouver ou si c'est juste parce que je te plais physiquement. J'peux être quelqu'un d'confiance pour toi, mais laisse les gnian-gnianneries de côté. lanças-tu, tu n'étais pas réputée pour ton tact ni ta douceur. J'ai pas l'habitude de tout ça. C'est plutôt la baston, oui, mon truc. Le sport, l'adrénaline, la musique hardcore, casser des genoux, tu vois ? J'suis pas le genre de meuf dont tu as besoin, je pense. Tu as besoin d'une patate chaude ou d'une peluche qui se laisse pas marcher sur les pieds. Pas d'une bombe à retardement. J'le dis pas pour moi, Walker, c'est juste un conseil amical. ajoutas-tu, marquant une courte pause. Tu passas tes mains dans tes cheveux, sentant qu'ils gonflaient légèrement, pour les aplatir. Pis, tu m'connais pas. Sans vouloir t'vexer, si tu veux un plan cul, ça m'gêne pas, mais t'es vraiment pas dans la tranche d'âge des gens que j'fréquente, d'habitude.

Tu avais bien compris que ce n'était pas un coup d'un soir, ni d'un plan cul, mais tu ne le pensais pas aussi sérieux - surtout que vous ne vous connaissiez pas. Tu étais tentée de prendre tes affaires et te barrer sans discuter, surtout en l'entendant débiter encore plus de conneries en cherchant d'arranger son discours foireux.

Ce n'est pas un mauvais bougre, mais oui...
Clairement, il passait pour un con.

Tu ne pouvais pas lui en vouloir, tu ne l'avais pas directement repoussé quand tu l'as vu venir et tu l'as laissé rester dans son délire. Il pensait qu'il n'était pas ton genre, mais ce n'était pas du tout ce que tu voulais dire et il n'avait pas la moindre idée du terrain où il venait de mettre les pieds en cherchant vainement à te comprendre - sans vraiment le faire. Après coup de fil, tu te levas du canapé, tapotant son épaule avant de lui ébouriffer les cheveux.

— Je t'attire, peut-être, mais... il vaudrait mieux que tu gardes tes distances. On peut être potes, mais c'tout, parce que rien que ce discours prouve mes pensées. Eh. T'prends pas trop le chou, hein ? T'es pas un mauvais bougre, Walker. N'jettes pas ton dévolu sur la première meuf qui s'intéresse un peu à toi, sinon, tu seras toujours l'pauvre con qui se fait utiliser et jeter - et quelque chose m'dit que ce n'est pas nouveau, ça. On se connait pas, mais j'sais que tu vaux mieux qu'ça. lanças-tu, prenant les bols des glaces pour aller le mettre à tremper dans l'évier. Pour ma part, je n'ai pas besoin d'un démineur, mais d'un taré qui me déclenche et qui puisse encaisser les dégâts et mieux m'armer par la suite, tu vois ? La tendresse n'est pas mon truc. Pour ça, j'ai des amis. Je n'ai pas besoin d'être chahutée par mes partenaires. Pour moi, exploser et m'blesser me permet de m'sentir vivante, mais tu n'pourrais pas comprendre ça. expliquas-tu, marquant une courte pause en regardant ton chien - absente mentalement et plus sérieuse physiquement. Puis... parler et tout ça, ce n'est pas mon truc. Je vois pas l'intérêt de t'en dire plus, ça t'concerne pas, mais je t'aime bien - pour l'instant. Alors, si ça t'rassure, je ne m'engage jamais. Je n'y vois pas l'intérêt et je n'en éprouve ni l'envie, ni le besoin.

Suite à ces mots, tu allas récupérer tes vêtements et tes affaires, les mettant toutes en boules pour les garder sous l'un de tes bras. Monty et Dew se levèrent d'un coup et vinrent près de toi.

— Écoute, j'vais rentrer chez moi. J'dois me changer et retourner au taff. Contrairement à toi, j'ai pas fini ma journée. J'te rendrais tes fringues dès que je les aurais lavées. ajoutas-tu, lui faisant un vague signe de main pour attirer son attention. Eh. Prends ton phone et note, j'te laisse mon numéro personnel, au cas où t'as besoin d'quelque chose. Sinon, beeen, tu peux aussi sonner en face et demander si j'suis là.

Quand il te demande comment tu sais que ce n'est pas la première fois, tu lui fais silencieusement comprendre que c'est relativement évident - surtout, d'après ses dires. Tu n'as pas été promue inspectrice pour rien, malgré ton jeune âge. Tu étais quelqu'un de perspicace et ta façon de penser permettait de voir les faits d'un angle différent. Tu lui fis également comprendre que, clairement, tout le monde avait ses secrets - tu étais bien placée pour le savoir.

Étrangement, tu l'as écouté sans l'interrompre ni lui poser des questions. Il avait pas eu de bol, le jeunot, mais... c'était une maxime : tous ceux qui viennent à Gotham goûtent au malheur. Certains sont dévorés par la ville, d'autres perdent ce qui leur est plus cher. Ce n'était pas la ville la plus sûre... Quand il te montra la photo, même si ça ne t'intéressait pas des masses, tu t'approchas de lui pour scruter la photo d'aussi près que les glaces. C'était pas une fille moche, mais... elle serait méconnaissable, si le bleu avait ta vision pratiquement monochromatique.

En tout cas, tu lui files ton numéro, sans briser ton silence.
Tu te contentes d'écouter et de suivre du regard.

Tu lui fis un vague signe de main pour le remercier et attendis qu'il quitte les lieux pour faire de même. Ceci dit, avant, puisque tu avais vu d'où il avait sorti la photo, tu allas en emprunter une pour pouvoir faire tes propres recherches. Tu ne pouvais pas compatir à son malheur, mais tu savais ce que ça faisait qu'on te prenne quelqu'un que tu aimais. Tu n'avais que l'homme qui t'a créée et on te l'a pris. On t'a abandonnée pour te permettre de mieux survivre.

— Il n'y a que les ombres qui disparaissent sans être mortes. murmuras-tu, pensant à voix haute avant de rentrer chez toi - fermant la porte de l'appartement de ton cadet.

Ça ne te concernait pas, mais la curiosité est un vilain défaut. Qui sait, ça pourrait t'être utile ? Pensant à ceci et à la façon dont tu allais t'y prendre, tu te changeas, nourris tes chiens et retournas aussitôt au travail.