La journée commençait bien pour Bobo. Il n'avait presque rien bu de la matinée et se sentait en pleine forme, comme requinqué après son aventure avec Batwing. La douleur lancinante dans son dos se faisait parfois encore ressentir mais le tout était de moins en moins douloureux. Le soleil, haut dans le ciel, baignait d'une lueur presque enchanteresse les pavés salles de la ville de Gotham, que le singe empruntait avec déférence. L'air frais sur ses poils noirs le rempli de satisfaction, content d'avoir eu l'idée de sortir un peu pour profiter du beau temps. S'enfermer toute la journée dans le bar de l'Oblivion lui permettait d'oublier la mort de son ami mais, il n'y avait que le soleil et la nature qui pouvait l'aider à se sortir de sa déprime chronique, de lui donner un peu de baume au cœur. Il se balada dans le parc, goûtant l'humidité de l'herbe et la terre qu'il foulait de ses pieds nus. Il s'allongea sur le sol, un épi dans la bouche profitant de l'ombre protecteur d'un gigantesque olivier. La journée était douce, parfaite, un moment de bonheur si intense qu'il ne pouvait en réalité que cacher un plus gros problème encore. Les yeux fermés, il ne fit pas attention aux cris émanants des gens aux alentours, persuadé que c'était son apparence qui provoquait ces gloussements de surprise. Mais, à mesure que les hurlements s'amplifiaient, il dut se rendre à l'évidence que quelque chose clochait.

Se levant doucement de son lit de feuilles mortes, le chimpanzé observa avec plus d'attention les environs. Les mouvements de foule laissaient présager d'un danger potentiel, nombreux à Gotham. Probablement une agression quelconque ou un vol sans importance. Malheureusement pour notre bonhomme, il n'avait pas avec lui sa célèbre épée et il était donc main nu s'il devait faire face à une menace. Danger, par ailleurs, qui ne tarda pas à montrer sa tête. Bobo ouvrit la bouche, stupéfait, de voir ce qui semblait être un éléphant géant dans le parc de Gotham, monté par un homme arborant un fusil de chasse. Le vaurien s'amusait à détruire des arbres, forçant l'animal à casser leurs écorces et renversant par la même des lampadaires. Le gigantesque golgoth semblait être pris d'une rage sans nom, la bouche recouverte d'écume alors que son tortionnaire s'amusait à l'exciter d'autant plus, frappant ses flancs avec ses lourds talons de cow-boy.

— Je dois rêver, c'est quoi encore que cette merde. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas être tranquille plus d'une seconde dans cette foutue ville ?   souffla le singe avant de reprendre, à l'intention du criminel, d'une voix plus forte. Tu fous quoi, glandu ?


L'homme se retourna alors, fixant le singe de sa paire de lunettes noires. Il fit cabrer l'éléphant en le faisant mugir. Sa voix était grave, puissante, arborant un accent étranger que le détective ne connaissait pas.

— Que voilà une drôle de bête, un babouin qui parle. Voilà qui me ferait un très beau trophée.

Pointant le magicien de son fusil, il tira une balle qui s'écrasa à quelques centimètres de Bobo, soulevant une pelletée de terre et un petit nuage de poussière. Dans un geste rapide, il arma de nouveau son arme, prêt à faire feu. Profitant des quelques secondes offertes par le rechargement du fusil, le bonobo s'élança vers la gigantesque monture en observant, sourcils froncés, son agresseur.

— Je suis un chimpanzé, pas un putain babouin. Vous commencez à tous me saouler, c'est pas difficile de faire la différence, merde. Bouge pas, je viens te foutre une défense dans le cul, tu vas voir.